Par Élizabeth Bigras-Ouimet, Auteure et Éducatrice spécialisée avec baccalauréat.
« Calme-toi, ça va passer », « Mon dieu que tu prends tout trop à cœur », « Arrête donc de stresser pour rien », « T’as peur de tout, on peut pus sortir, on peut pas faire de projet, gère-toi! »… Les troubles anxieux gagnent du terrain depuis les dernières années; les enfants et les adolescents en sont de plus en plus victimes et un nombre impressionnant d’adultes cessent de travailler pour cause d’anxiété. Nos aînés sont également susceptibles de souffrir de troubles anxieux lors de gros changements dans leur vie tels un déménagement, la perte d’un conjoint ou la maladie. Heureusement, il existe plusieurs ressources pour venir en aide à ceux qui souffrent et à leur entourage. Peut-on apprivoiser son anxiété sans se laisser submerger par elle? C’est possible. Patience et temps, aide professionnelle et soutien de l’entourage sont toutefois essentiels pour mieux contrôler son anxiété.
« Je vis des montagnes russes émotionnelles depuis mon enfance, je suis souvent paralysée par mes angoisses. Je tremble tellement de l’intérieur que parfois je m’écroule, les émotions compactées, un débordement intérieur, je tombe au sol sans autre option que de me laisser aller à cette impasse passagère que je sais plus forte que moi. Les spasmes sauvages de mon corps me font perdre toute notion de contrôle, de moment présent, de pleine conscience. Je meurs l’instant de la crise de panique et me réveille dans un état lamentable, fragile, apeurée. » - Élizabeth
Peur, appréhension, doutes constants, symptômes physiques désagréables comme des palpitations cardiaques, sueurs et tremblements, diarrhée, serrement de poitrine ne sont que quelques manifestations de l’anxiété. Les troubles anxieux sont un trouble de santé mentale et requièrent une prise en charge psychologique et médicale.
Il existe plusieurs formes de troubles anxieux: les phobies spécifiques, l'anxiété de séparation,l’agoraphobie, l'anxiété généralisée, l'anxiété sociale, le trouble panique et le mutisme sélectif. La source des troubles anxieux est propre à chaque personne, mais il existe quelques facteurs de risque tels que la génétique, la sensibilité à l’anxiété, un tempérament inhibé, la difficulté à gérer les émotions, l’anxiété d’un parent, des parents surprotecteurs ou intrusifs, un trouble de l’attachement, des événements traumatiques etc. Une personne qui présente un ou plusieurs facteurs de risque ne va pas nécessairement développer un trouble anxieux, car l'anxiété est plus complexe que cela.
L'anxiété se manifeste par trois types de réactions : cognitives (par les pensées), physiologiques (malaises physiques) et comportementales. Dans le processus désarmant de l'anxiété, le rôle des pensées anxiogènes est flagrant.
« Il y a des jours où je n’y arrive pas. Je n’arrive pas à sortir de chez moi, je n’arrive pas à sortir de ma tête, je n’arrive pas à contrôler mes pensées, à être positive, à croire que tout va bien se passer, que je suis en sécurité, que je suis en santé, que je vais réussir à prendre l’autobus, le métro et aller au boulot, il y a des jours où l’anxiété gagne sur moi.» - Élizabeth
L’évitement de certains lieux, personnes ou situations amplifient l’anxiété. Attention! L'anxiété n'est pas quelque chose qu'on imagine, elle est bien réelle et elle fait beaucoup de mal à la personne qui en souffre. Ne demandez pas à une personne anxieuse de se « gérer » . Elle doit apprendre graduellement à apprivoiser son anxiété dans des circonstances qui lui font peur. Chaque petit pas compte; se faire une liste de défis peut aider la personne à visualiser son progrès et reprendre confiance en elle. Le but est de changer sa pensée automatique qu’elle ne peut pas faire ci ou cela, qu’il y a une menace, qu’elle va mourir si elle va à tel endroit etc.
Nos pensées influencent grandement nos réactions, mais les réactions des autres à nos pensées interagit aussi sur nos ressentis. Pour une même situation, un individu réagira différemment d’une autre personne qui vit la même situation. Nous sommes la somme de nos expériences et cela fait une énorme différence sur nos réactions. Il faut prendre conscience que les pensées qu’on entretient ne nous déterminent pas; nous ne sommes pas nos pensées. Les pensées ne peuvent pas se matérialiser sans qu’on passe à l’action. Il est impératif de porter une attention particulière à nos interprétations, car ce sont celles-ci qui déclenchent notre système d’alarme interne.
Conseils et trucs pratiques
Les enfants et adolescents souffrent énormément d'anxiété. Les premières années de vie reposent sur l'expérience et les essais-erreurs. Ajoutez à cela les transformations physiques et hormonales et vous aurez un joyeux cocktail d'émotions contradictoires. L'auteure et psychologue Caroline Berthiaume souligne quelques trucs simples à appliquer lorsque le jeune est en crise d'anxiété dans son livre 10 questions sur... L'anxiété chez l'enfant et l'adolescent : éviter de parler au jeune si l'anxiété est trop intense, être calme et rassurant, écouter sans juger, cibler les pensées anxiogènes et aider le jeune à se recentrer sur le moment présent. Une fois la crise passée, encouragez le jeune à passer à l'action, soit par la recherche de solutions pour contrer ses peurs, soit en poursuivant des activités qui l’aident à diminuer son anxiété.
« La meilleure façon d'aider le jeune à gérer ses pensées anxiogènes est de lui apprendre comment faire, comme le pêcheur lui apprendrait à pêcher plutôt que de lui donner un poisson. On vise son autonomie. On ne cherche pas à lui donner la bonne réponse. On veut qu'il réalise que lorsqu'il se parle différemment, il se sent différemment et il fait des choses différemment. » - Caroline Berthiaume
Il est essentiel d'amener le jeune à parler de ses émotions puis de l'encourager à affronter ses peurs afin que celles-ci ne le contraignent pas davantage. Grâce au soutien des adultes qui l'accompagnent, le jeune atteint de troubles anxieux peut retrouver une certaine paix intérieure et vivre un peu plus paisiblement. Si votre enfant souffre d’anxiété, il est très important d’en discuter avec tous les adultes qui l’entourent; grand-parents, gardienne, éducatrice spécialisée, professeur, psychoéducateur, médecin de famille etc. Ainsi, si tout son entourage est au courant, un meilleur soutien sera offert au jeune.
Le tableau cognitivo-comportemental, dont vous pouvez trouver quelques exemples sur internet, est axé sur la résolution de problèmes. En notant la situation initiale, les pensées automatiques qui surviennent dès qu’on vit la situation, les émotions ressenties, les pensées erronées (irrationnelles) et la réponse alternative à la situation, la personne développe des habiletés à mieux gérer le quotidien et à se recentrer sur le moment présent. Grâce à ce tableau, il est plus facile d’examiner sa façon d’interpréter chaque situation et de trouver un moyen de mieux vivre l’expérience émotionnelle. La thérapie cognitivo-comportementale permet de reconnaître la nature de la situation vécue au-delà de notre ressenti/ perception de celle-ci.
La respiration en 4 temps s’avère un truc incontournable: prenez une inspiration en 4 secondes, garder votre souffle 4 secondes et expirer pendant 4 secondes. Répétez 4 fois. Le fait de se concentrer sur sa respiration permet de reprendre le contrôle sur celle-ci.
Écrire, bouger, méditer, boire de l’eau, mettre du froid sur son cou ou sur son visage aident également à faire passer l’anxiété. Une crise ne dure en moyenne que 15 à 20 minutes. Regardez l’heure et dites-vous que vos malaises se dissiperont sous peu.
Pour ceux qui accompagnent la personne en proie à de l’anxiété, demeurez à proximité de la personne et écoutez-la. Certaines personnes ont besoin d’une main sur elles pour se rassurer et d’autres ont besoin d’être seules. L’impuissance que vous vivez à ne pas pouvoir aider la personne anxieuse est normale. Soyez là tout simplement pour elle, sans rien brusquer, sans lui dire de se calmer, de dédramatiser et de se reprendre en mains. L’anxiété est un réel trouble et la personne qui la subit ne fait pas exprès de se sentir ainsi.
Ressources
Voici quelques ressources qui pourront vous orienter si vous ou un proche souffrez d’anxiété.
Tel-Jeunes (Ligne d’écoute pour les jeunes de 5 à 20 ans : 1 800 263-2266) https://www.teljeunes.com/Accueil pour avoir des trucs simples à appliquer au quotidien.
Jeunesse, j’écoute (Ligne d’écoute 1-800-668-6868) Plusieurs articles peuvent vous informer sur l’anxiété au lien suivant: https://jeunessejecoute.ca/
Phobies zéro https://www.phobies-zero.qc.ca/ Ligne d’écoute et d'information, groupes d'entraide, groupes d'entraide virtuels, ateliers d'autogestion pour troubles anxieux, visites de professionnels de la santé dans les groupes d’entraide, soirées de témoignages, conférences et causeries, documentation.
Revivre – L’Association québécoise de soutien aux personnes souffrant de troubles anxieux, dépressifs ou bipolaires https://www.revivre.org/
Consultez également votre médecin de famille, votre centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) ou votre centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) et l’Ordre des psychologues du Québec.
Ne restez pas seul avec votre anxiété. Bien qu’elle sera toujours présente, vous pouvez apprendre à vivre avec.
Suggestions de lecture pour enfants et adultes
La Peur d'avoir peur : guide de traitement du trouble panique et de l'agoraphobie, André Marchand , Andrée Letarte , Amélie Seidah. Éditeur Trécarré.
Anxiété: le cancer de l'âme(L') N. éd, Louise Reid. Éditeur JCL.
10 questions sur... L'anxiété chez l'enfant et l'adolescent, Caroline Berthiaume. Midi trente Éditions.
Incroyable Moi maîtrise son anxiété : guide d'entraînement à la gestion de l'anxiété, Nathalie Couture | Genevieve Marcotte. Midi trente Éditions.
Anxiété, la boîte à outils : stratégies et techniques pour gérer l'anxiété, Ariane Hébert. Éditions de Mortagne.
Comments